Point de vue avec Daniel Buren (1/2)

06/12/2021374 écoute(s)
 
00:00 26:53
Diffusée le 06/12/2021
art art contemporain art plastique

 

 

Point de vue avec Buren

(Retranscription pour le magazine NOVO, n°62 – photo Vincent Arbelet)

 

Rencontre avec l’artiste Daniel Buren a l’occasion de la présentation de son œuvre « Point de vue ascendant, travail in situ » Une œuvre visible un an, jusqu’en décembre 2022, à l’invitation de la Galerie Interface dans le jardin de la Banque de France de Dijon.

 

Qu’est-ce que vous voulez nous dire de cette œuvre ?

Cette œuvre, c’est une question de points de vue. Si on se promène devant, il n’y a pas qu’un point de vue où tout se recompose . On peut se déplacer et tous les cinq ou six pas, on raccorde les losanges du plan incliné et du toit. Chacun ajuste à sa vue et à son œil. Les dessins s’assemblent devant nous, ils semblent tous égaux mais les tailles des losanges sont différents. Ce rapport de taille peut amener ensuite à d’autres interrogations sur d’autres aspects. C’est très ouvert. On peut voire des choses que je ne n’avais pas pu voir.

 

Sur l’œuvre, vos fameuses bandes sont très discrètes. Il est possible de ne pas les remarquer.

Ce n’est pas nouveau. Autant, j’ai pu faire des murs de 120 mètres carrés avec de grandes bandes alternées, autant  j’ai pu être extrêmement discret. Ça dépend… de ce que j’ai envie de faire. Le problème, c’est que les bandes, il y en a toujours (rires). Aujourd’hui, je ne dirai pas comme il y a 55 ans : « Demain, ce sera peut-être autre chose » !

 

Ce type d’œuvre, vous l’appelez « travail in situ ». C’est à dire ?

J’utilise ce mot pour 95 % de mes travaux. Travail in situ ça veux dire que ce travail est fait sur place. Ça veut aussi dire que, sur place, ce qui compte ce n’est pas seulement le lieu, l’architecture, l’arbre, la maison, etc. mais ce sont aussi les gens qui permettent de le faire – c’est avec eux qu’on va avoir un minimum de discussions – et ce sont aussi toutes les parties prenantes : n’importe qui se promenant là où ça se passe et a fortiori les gens qui habitent dans le coin. In situ, ça englobe tout cela et pas seulement ce qui est le plus visible, le rapport à l’œuvre. A l’opposé, il y a ce que j’appelle « le travail situé ». Avec certaines règles à suivre, ce sont des travaux qu’on peut positionner dans certains lieux. Le travail n’est pas « cuit » le jour où l’exposition est finie ou la pièce détruite. C’est plus traditionnel, sans aller jusqu’à dire que c’est comme une peinture qui est transportable. Dans in situ c’est plus radical : les choses ne sont même pas transportables.

 

3000, c’est le nombre vertigineux des expositions que vous avez réalisées depuis le début de votre carrière.

Ça ne fait que quelques années que je connais ce nombre. J’ai une personne qui s’occupe de mettre de l’ordre dans mes archives. Dans cette somme, il y a les expositions de groupe et les expositions personnelles, les expositions intérieures et extérieures… 3000, attention, ce n’est pas le nombre d’œuvres parce que il peut y avoir 10 œuvres par exposition. J’étais moi-même très surpris ! Et c’est encore plus fou quand on fait la division : ça veut dire que depuis 50 ans sans aucun arrêt, j’ai fait 60 expositions tous les ans !

 

Sans panne d’inspiration ?

A partir du moment où j’ai choisi de travailler sur « le lieu », le lieu étant toujours différent, je suis poussé par « quelque chose » qui va prendre « quelque chose » de ce lieu. Ça n’a rien à voir avec l’inspiration comme face à une toile ou une page blanche ou un morceau de marbre. En admettant que je n’ai plus d’inspiration, il y a toujours le lieu.

 

Vous faites une hiérarchie entre certaines de vos réalisations sur ses 3000 expositions ou vous prenez l’ensemble ?

J’aurai tendance à prendre l’ensemble (rires)

 

On qualifie parfois votre travail de « provocation institutionnalisée ».

C’est ceux qui ne peuvent pas s’en sortir en parlant juste de provocation (rires) il faut qu’ils se rattrapent en disant « c’est juste de la merde ». Ces critiques, c’est surtout en France, ne doivent pas savoir ce que je fais réellement. Ces gens ne connaissent que deux de mes travaux. Qu’est-ce qu’ils diraient si ils connaissaient vraiment l’ensemble de mon travail ?

 

C’est la troisième fois que vous travaillez à Dijon avec la galerie Interface, avant, dès 1982 c’était avec le Consortium.

Ça veux dire qu’on m’a invité et que Dijon m’a attiré. Et à Dijon comme ailleurs, jamais même pour des endroits ou des musées que j’aime, je n’irai dire « j’aimerai faire quelque chose chez vous ». La fameuse attraction, elle est d’abord toujours dans un sens : celui qui attire. Contre les apparences, je ne vais jamais chercher des expositions.

 

 

 

 


Animé(e) par Martial Ratel  avec Daniel Buren